LA PLUME DU PAYSAN GONAVIEN

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Le martyr Ignace pour la cause de Dieu devant Empereur romain Trajan

Le martyr Ignace pour la cause de Dieu devant Empereur romain Trajan

 Martyre d’Ignace

Aucun fait dans l’histoire de l’Église primitive n’a été conservé avec plus de soin que le martyre d’Ignace ; aucun récit de ce temps n’est plus célèbre que son voyage d’Antioche à Rome comme prisonnier dans les chaînes.

Ignace était l’un des disciples immédiats de l’apôtre Jean, et évêque ou surveillant de l’assemblée d’Antioche, depuis environ l’an 70. Nous nous souvenons que c’est dans cette grande ville, la capitale de la Syrie et l’une des plus importantes cités de l’empire romain, qu’après les travaux bénis de Paul et de Barnabas, les disciples du Seigneur furent premièrement nommés chrétiens (Actes 11).

Vers l’an 107, l’empereur Trajan se dirigeant vers l’Orient pour combattre les Parthes, passa par cette ville. Il est difficile d’assigner les raisons qui portèrent l’empereur à persécuter les chrétiens durant son séjour à Antioche. Était-ce qu’enflé par ses victoires, il ne pouvait supporter la pensée qu’il y eût dans ses États des gens qui refusaient d’adorer les dieux qui, selon lui, l’avaient rendu vainqueur ? Ou bien voulait-il se rendre propices ceux-ci en persécutant les chrétiens ? On ne sait, mais il menaça de punir de mort quiconque à Antioche refuserait de sacrifier aux dieux.

Désireux de détourner, en l’attirant sur sa tête, l’orage qui menaçait son troupeau, Ignace demanda d’être conduit devant l’empereur pour lui exposer le vrai caractère et la position des chrétiens, et, s’il le fallait, afin de s’offrir pour eux à la mort. Ainsi Trajan fut mis face à face avec cette « absurde superstition », dont jusqu’alors il avait seulement entendu parler. Ainsi, comme au temps de Paul, témoignage fut rendu à l’Évangile devant les grands de la terre, les rendant inexcusables s’ils le rejetaient.

Voici ce que des écrivains anciens rapportent de l’entrevue de l’empereur avec le vénérable évêque. Trajan s’adressant à lui, dit : « Es-tu celui qui, semblable à un démon pernicieux, persévère à contrevenir à mes ordres et entraîne les hommes dans la perdition ? »

— Que personne, répond Ignace, n’appelle Théophore [« Théophore » veut dire celui qui porte Dieu] un démon pernicieux.

— Et qui est Théophore ?

— Celui qui porte Christ dans son cœur.

— Ne crois-tu donc pas qu’ils résident en nous, les dieux qui combattent pour nous contre nos ennemis ?

— Tu te trompes, en appelant dieux les démons des nations ; car il n’y a qu’un seul Dieu qui a fait le ciel, et la terre, et la mer, et tout ce qui est en eux ; et un seul Jésus Christ, son Fils unique, duquel le royaume est ma portion.

— Tu veux dire le royaume de Celui qui fut crucifié sous Pilate ?

— Oui, de Celui qui a crucifié mon péché avec son auteur, et qui a mis le péché tout entier et la malice de Satan sous les pieds de ceux qui Le portent dans leurs cœurs.

— Portes-tu en toi Celui qui a été crucifié ?

— Oui, car il est écrit : J’habiterai en eux et je marcherai en eux.

L’empereur coupa court à l’entretien, en rendant cette sentence : « Puisque Ignace confesse qu’il porte en lui celui qui a été crucifié, nous ordonnons qu’il soit conduit, lié par des soldats, à la grande Rome, afin d’y être déchiré par les bêtes, pour l’amusement du peuple ».

Ce châtiment était réservé aux pires criminels, particulièrement à ceux qui étaient convaincus d’exercer les arts magiques, ce dont les chrétiens étaient souvent accusés. Ignace écouta avec joie cette sentence cruelle, heureux d’être jugé digne de souffrir pour le nom de Christ et comme offrande pour les saints ; se réjouissant, comme autrefois le bienheureux apôtre Paul, d’être lié et conduit à Rome.
Ignace fut donc livré à dix soldats qui, sans égard pour son âge avancé, semblent l’avoir traité avec une grande dureté. Il écrivait aux chrétiens de Rome, leur envoyant sa lettre par des messagers qui suivaient une route plus courte que celle par laquelle il était conduit : « Depuis la Syrie, et jusqu’à Rome, je suis abandonné aux bêtes sauvages sur mer et sur terre ; de jour et de nuit je suis lié à dix léopards, une bande de soldats qui, même lorsque je leur fais du bien, se montrent envers moi d’autant plus cruels ».

Il fut conduit par mer à Smyrne, où il lui fut permis de voir Polycarpe, évêque de cette ville qui, lui aussi, avait été disciple de l’apôtre Jean. Plusieurs autres chrétiens vinrent le saluer et lui demander sa bénédiction. Il écrivit à différentes assemblées, en particulier à celles d’Éphèse et de Rome, des lettres qui ont été conservées. Dans ces lettres d’adieu, il insiste beaucoup sur la grande vérité de l’humanité réelle de Christ. Il met en garde ceux à qui il écrivait contre la mauvaise doctrine qui se glissait parmi les chrétiens, et qui enseignait que le Seigneur n’avait pas eu un corps réel, et qu’ainsi tout ce qu’il avait fait durant sa vie ici-bas, de même que ses souffrances et sa mort, n’avait été qu’une apparence. Ignace combat aussi les docteurs judaïsants, c’est-à-dire ceux qui, déjà du temps de Paul, voulaient mêler la loi à l’Évangile (*). Il faut malheureusement ajouter qu’à ces choses excellentes, Ignace en mêle beaucoup d’autres erronées, surtout par rapport à l’autorité des évêques dans les assemblées. Ses enseignements à cet égard montrent le commencement de l’établissement du clergé remplaçant dans l’Assemblée l’action de l’Esprit Saint.

- L’apôtre Paul les combat, surtout dans l’épître aux Galates.

Mais Ignace n’en était pas moins un bien-aimé saint de Dieu, un fidèle serviteur et témoin de Christ, pour qui il donnait sa vie. Dans sa lettre aux chrétiens de Rome, il les prie de ne rien faire pour empêcher qu’il soit livré aux bêtes : « Vous ne pouvez », dit-il, « me donner rien de plus précieux que ceci : que je sois offert à Dieu en sacrifice, tandis que l’autel est prêt… Priez seulement pour que la force me soit donnée, afin que non seulement je sois appelé chrétien, mais que je sois vraiment trouvé tel ». Et il dit encore : « Laissez-moi devenir la proie des lions et des ours ; ce sera pour moi un très court passage au ciel ».
Cependant les gardiens d’Ignace hâtaient leur voyage, craignant de ne pas arriver avant la fin des jeux où le martyr devait être exposé à la fureur des bêtes féroces. Aussi assistèrent-ils, sans doute, avec impatience à la scène touchante qui se passa avant qu’ils entrassent dans la cité impériale. Aux approches de Rome, ils rencontrèrent une foule de personnes qui sortaient de la ville. C’étaient des chrétiens affligés qui venaient au-devant d’Ignace. Malgré sa lettre, ils le suppliaient de leur permettre de faire leurs efforts pour le sauver ; mais il n’y consentit point. Les soldats accordèrent à Ignace quelques instants pour prier avec ses frères et leur adresser quelques paroles. Il s’agenouilla avec eux et demanda à Christ de mettre fin à la persécution, car il espérait qu’il lui serait donné de mourir pour son troupeau, et qu’ainsi les faibles brebis qu’il aimait tant, échapperaient. C’était le dernier jour des jeux, et il fut conduit immédiatement à l’amphithéâtre.

On voit encore à Rome l’arc de triomphe bien conservé qui fut élevé en l’honneur de Titus, vainqueur des Juifs. Non loin se trouvent les ruines d’un vaste cirque nommé le Colisée. Près de l’endroit où se trouvaient les fameux jardins de Néron, dans un enfoncement de terrain situé entre deux des collines sur lesquelles Rome était bâtie, cet empereur avait fait un lac artificiel. Titus l’avait fait dessécher et avait commencé à faire construire sur cet emplacement un cirque immense, destiné à contenir 80000 spectateurs. C’était le Colisée. On dit que les Juifs captifs furent employés à élever ce gigantesque édifice. Ses dimensions étaient telles que l’arène centrale ayant été une fois remplie d’eau, on put y donner au peuple romain le simulacre d’un combat naval. Mais habituellement il était réservé aux combats de gladiateurs entre eux ou contre des bêtes féroces. Aux jours de fête, des scènes terribles de luttes sanglantes et de carnage avaient lieu dans cette arène. Les Romains les contemplaient et y applaudissaient du haut de leurs sièges disposés en gradins, garantis par des filets à mailles d’or suspendus à des poteaux d’ivoire, de la fureur des bêtes féroces, rendues plus terribles par la faim.

C’est là que le vénérable évêque d’Antioche, épuisé par l’âge et par la fatigue de son long voyage, fut livré aux bêtes sous les yeux de milliers de spectateurs. Il fut bientôt mis en pièces et dévoré par elles. Le vieux pèlerin fatigué entra ainsi dans le repos du paradis de Dieu, auprès de Celui pour qui il avait donné joyeusement sa vie. Il pouvait dire avec Paul : « J’estime que les souffrances du temps présent ne sont pas dignes d’être comparées avec la gloire à venir qui doit nous être révélée… Qui est ce qui nous séparera de l’amour du Christ ? Tribulation, ou détresse, ou persécution, ou famine, ou nudité, ou péril, ou épée ? … Au contraire, dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés » (Romains 8:18, 35, 37).

Les amis d’Ignace ne purent recueillir de ses restes que quelques os. Il fut le premier chrétien qui souffrit cette mort cruelle dans l’amphithéâtre du Colisée. Mais après lui bien d’autres subirent le même sort sous le règne de Trajan. « Ils n’ont pas aimé leur vie, même jusqu’à la mort », mais « ils ont vaincu à cause du sang de l’Agneau et à cause de la parole de leur témoignage » (Apocalypse 12:11). Quelle gloire les attend dans la première résurrection ! Ils régneront avec Christ. Puissions-nous, dans ces temps moins difficiles, être cependant trouvés aussi fidèles, aussi dévoués au Seigneur !



05/02/2015
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